A quelques jours du scrutin, le parti démocrate avance à pas feutrés. L’écart creusé par Barack Obama s’est certes consolidé sur la plan national et dans la majorité des «battleground states», pour autant, le sénateur de l’Illinois et ses partisans se sont pas sans savoir qu’avant la proclamation officielle des résultats rien n’est jamais véritablement joué. Effet Bradley, machines à voter défaillantes, incident national ou crise internationale de dernière minute… la liste des péripéties potentielles ou fantasmées s’ajoute à celle plus traditionnelle de l’état d’esprit des électeurs. Les jeunes électeurs seront-ils au rendez-vous avec l’enthousiasme pressenti? Les dernières attaques du camp républicain sur la distribution des richesses auront-elles fait mouche parmi les électeurs indécis? Les Etats du Sud, bastions républicains (Floride Virginie, Caroline du Nord,) peuvent-ils véritablement basculer dans le giron démocrate? A cette série d’incertitudes s’est ajoutée cette semaine la crainte d’une attaque extrémiste venant créer la panique à la veille du scrutin. Si la tension est palpable côté démocrate, les indicateurs demeurent tous au vert pour le nominé du parti de l’âne. On vote depuis déjà plus de deux semaines dans plus de la moitié des Etats américains- signal que beaucoup s’attendent à une mobilisation exceptionnelle- et les tendances apparaissent toutes favorables à Barack Obama. Dans les Etats pivots les plus compétitifs, le sénateur de l’Illinois a maintenu son avance : qu’il s’agisse de la Floride, de la Pennsylvanie, de l’Ohio, du Missouri, de l’Indiana, Etats à forte valeur ajoutée en termes de grands électeurs, le nominé démocrate continue de creuser l’écart avec son opposant. Dopée par l’enthousiasme des électeurs, la campagne démocrate a réuni une collecte de fonds sans précédent – 150 millions de dollars pour le mois de septembre, 632 millions au total selon la Commission fédérale pour les élections, contre 335,3 millions pour John McCain (1). Un montant tout simplement inouï qui a permis à l’équipe Obama de saturer les ondes et les chaînes télévisées. Entre le mois de juin et le mois d’octobre ce sont près de 126 millions de dollars qui ont été consacrés aux dépenses en spots télévisés (contre 98 millions pour le camp McCain) avec le record de la publicité la plus longue de l’histoire des élections américaines cette semaine, trente minutes de présentation en prime time sur les quatre plus grands networks américains. Une opération médiatique coûteuse (près de 5 millions de dollars) mais efficace qui permet à Obama de conserver la main sur le registre de la communication. Vient enfin l’avantage le plus formel, celui de la confiance accordée au candidat démocrate sur des sujets de fond comme l’économie, la guerre en Irak, le leadership ou touchant à sa personnalité : bon sens, capacité à répondre à une situation de crise… Considéré il y a encore quelques mois comme peu expérimenté, Obama mieux que McCain rassure les Américains sur les enjeux qu’ils jugent les plus fondamentaux. Malgré tous ces signes de bon augure pour les électeurs démocrates, la question «John McCain peut-il encore l’emporter?» continue d’être chuchotée sur toutes les lèvres des sympathisants d’Obama. A ce moment de la campagne, soit cinq jours avant le scrutin final, un retour du candidat républicain semble peu probable. Le vote par anticipation – un tiers des électeurs auront déposé leur bulletin dans l’urne avant le 4 novembre –clairement en faveur du candidat démocrate, pourrait néanmoins avoir pour effet de mobiliser les électeurs républicains le jour même de l’élection. Tablant sur le registre de l’insécurité pour rallier à lui les derniers indécis, John McCain multiplie d’ailleurs les offensives contre son rival en dépeignant le sénateur de l’Illinois comme un danger pour l’Amérique. Mais très distinctement, le candidat Maverick demeure sur la défensive quand son rival surfe sur la vague de la confiance et de l’espoir. Déjà déclarés perdants par un certain nombre de personnalités républicaines, John McCain et sa colistière Sarah Palin pourraient rapidement devenir les boucs émissaires d’un parti à la dérive. Désuni, le GOP l’est tout autant sur le choix de la gouverneure de l’Alaska que sur le net tournant à droite effectué ces derniers mois par la campagne républicaine. Une opposition entre républicains modérés et conservateurs purs souche qui se cristallise au pire moment pour un candidat déjà lesté par l’héritage de la présidence Bush. Mais une division que l’on ne peut en toute bonne foi attribuer au seul sénateur de l’Arizona. Choisi par les électeurs de son parti parce qu’il était le seul candidat républicain à même de bâtir un pont entre les deux Amériques et rétablir la confiance en Washington, McCain n’incarnait pas le parti républicain traditionnel que la base chérissait. En choisissant Sarah Palin plutôt qu’un colistier plus modéré, John McCain a fait le pari de la base plutôt que celui de la triangulation – une stratégie politique plus centriste qui lui aurait peut-être été plus favorable. En permettant la radicalisation de l’aile droite du parti par l’entremise de Sarah Palin, McCain s’est durablement détourné de son image de modéré, faisant voler en éclat son message d’unificateur ainsi qu’une partie de sa crédibilité. Pour autant, les élus républicains et le président sortant partagent la responsabilité des écueils de leur parti, dont le déclin s’est révélé au grand jour il y a de cela deux ans lors des élections de mi-mandat. John McCain a déjà fait la preuve qu’il savait rebondir. Le «Come Back Kid» des primaires républicaines, salué pour son retour en force à un moment où nul ne croyait plus en ses chances de victoire va donc tenter ces prochains jours de réitérer le même exploit. La gageure est de taille, mais dans le camp démocrate l’humilité reste de mise. Car même les sondages les plus optimistes ne sont au mieux que des tendances à manier avec la plus grande précaution. Alors dans le camp Obama, le mot d’ordre est vigilance. Catherine Croisier, est chercheur au Centre d’Etudes Transatlantiques (1) Au 15 octobre 2008, le montant total de fonds collecté pour la course présidentielle américaine s’élevait à plus de 1,5 milliards de dollars.  (Taken from www.europeus.org)
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